jeudi 26 février 2009

Solidarité avec les pays de la Mer Baltique

Les plus proches voisins des Suédois sont d'abord les pays Nordiques (Norvège, Iles Féroé, Islande, Danemark, Finlande et parfois le Groenland), ensuite les pays de la Mer Baltique (Estonie, Lettonie, Lituanie et Pologne). La situation des personnes homos, bis et trans dans les pays de la région Baltique est extrêmement difficile. L'environnement social ainsi que le gouvernement y sont très hostiles à tout comportement en dehors de la norme hétérosexuelle et procréatrice.

C'est avec l'objectif de lutter contre cette situation qu'a été créé le Réseau Pol-Balt. Le Réseau Pol-Balt est un réseau militant suédois créé afin de coordonner les efforts des militants LGBTQ suédois désireux de mener des actions de solidarité vers les pays Baltes et la Pologne.
Cela implique: une mailing-liste, la participation à des degrés variés aux marches des fiertés (gay prides) dans ces pays, s'informer les uns les autres et coordonner des évènements sur les thématiques LGBTQ dans ces pays, construire des projets LGBTQ dans ces pays ou vers ces pays.
Le coordinateur de ce réseau est l'organisation RFSL (Association nationale suédoise pour les droits des personnes homosexuelles, bisexuelles et transgenres), en particulier son comité international. Le rôle de l'organisation coordinatrice est d'organiser les réunions du Réseau (dans ses locaux d'ailleurs) et si possible de porter les projets du Réseau, étant donné que celui-ci n'a ni ressource ni statut officiel propre.

La mailing liste du Réseau Pol-Balt est en suédois et il est pertinent de s'attarder sur ce fait. La question de la langue détermine le sens des relations de travail du réseau. En effet ici c'est clairement des militants suédois travaillant et coordonnant leurs efforts pour aider les organisations et militants baltes et polonais, et donc plus largement la population LGBT de cette région. Cette relation est très différente par exemple de l'organisation ANSO dont je vous ai parlé précédemment (Association des organisations nordiques LGBTQ étudiantes, nordique ici incluant les pays nordique mais également la Pologne et les pays Baltes). ANSO est une organisation transnationale basée sur la coopération entre les pays nordiques et baltes dans les deux sens et la présidente d'ANSO, Monika est d'ailleurs polonaise.

Cependant le fait que le Réseau Pol-Balt fonctionne dans ce sens n'est pas forcément une mauvaise chose (c'est juste différent!). En effet le Réseau peut faire beaucoup pour la situation des personnes LGBTQ en région baltique en travaillant à une échelle suédoise. Par exemple il peut organiser des manifestations de protestation devant les ambassades de ces pays en Suède et influencer les politiciens suédois, en particulier ceux qui ceux qui sont susceptibles d'être impliqués dans les affaires étrangères suédoises et qui font des visites officielles ou des réunions internationales dans les pays de cette région. Nous savons de façon certaine que lorsqu'il y a une ou des personnes venant de Suède dans une manifestation pour les droits des personnes LGBT dans ces pays, cela ajoute de la valeur à la manifestation. Cela peut améliorer la sécurité des manifestants également, en particulier si les suédois présents sont des officiels ou des hétéros (les deux c'est encore mieux). Ce raisonnement peut paraître très paternaliste mais il ne s'agit que d'observer les faits, reconnaître cette réalité permet d'agir avec les stratégies les plus efficaces, même s'il est triste que les gens (c'est des militants anti-gays que je vous parle là) réagissent comme cela. Mais la vérité c'est que les cathos et les fachos hésitent parfois à jeter des pierres sur les officiels suédois lors de ces manifs, notamment parce que ça pourrait faire du mal aux relations entre leur pays et la Suède, qui peut être très importante pour le pays en question, d'un point de vue financier, économique, culturel ou politique.

Cependant soit dit en passant qu'il est également crucial qu'il n'y ai pas que des suédois ou autres étrangers dans ces manifestations. Cela confirmerait l'idée communément admise dans beaucoup de sociétés très hostile aux personnes LGBT que l'homosexualité n'existe pas vraiment dans leur pays, qu'elle est une perversion amenée par les étrangers, ce qui est une façon au mieux de se débarasser du problème et de continuer à l'invisibiliser, au pire de développer des arguments xénophobes et fascistes. La philisophie du Réseau est donc de réellement laisser les groupes LGBT baltes créer leurs évènements de visibilité et cela doit être clair que quelque soit l'aide qu'ils peuvent obtenir des suédois (organisationnelle, logistique, financière ou simplement envoyer des militants grossir les rangs), ils en sont la source.

_ Les perspectives du Réseau Pol-Balt:

Il est bon de souligner qu'il ne s'est pas passé grand chose sur la liste l'an dernier. Cependant la nouvelle responsable du comité international de RFSL semble déterminée à remotiver la participation de RFSL dans le réseau, et donc à remotiver le réseau en lui-même. Il s'agit également pour le comité international de RFSL de se reconcentrer sur la région baltique et l'Europe de l'Est en général.

En outre un débat agite le Réseau ces derniers mois sur la possibilité d'élargir le réseau. Il semble que 3 directions peuvent être tracées pour l'avenir du Réseau sur ce point.
1) Le Réseau peut rester ce qu'il est en termes de pays inclus tout se réunissant plus souvent et en se concentrant sur les pays qu'il inclus déjà (Pologne, Estonie, Lettonie, Lithuanie).
2) Le Réseau pourrait également commencer à travailler avec d'autres pays comme la Biélorussie (la dernière dictature d'Europe, pays souvent inclus dans les projets baltiques des ONG même si elle n'est pas au bord de la mer Baltique) et la ville de St Pétersbourg en Russie (qui n'est pas à proprement parler un pays mais qui est bien sur la mer baltique) et voir comment ça se passe.
3) Enfin le réseau pourrait tout à fait décider d'inclure ces deux nouveaux venus à part entière et leurs organisations.

_ Baltic Pride:

Du 15 au 17 mai 2009 se tiendra la Baltic Pride à Riga, en Lettonie. A partir de cette année les organisations LGBT des 3 pays baltes (Estonie, Lithuanie, Lettonie) ont décidé d'organiser une Pride conjointe qui se tiendra chaque année dans l'un des 3 pays. Cette année c'est donc Riga. Plus d'infos (en anglais) ici.

J'y serais. Si vous en avez marre de vous trémousser à Paris sur du David Guetta, que vous ne voyez plus ce que tout ça peut bien avoir de politique et revendicatif, je vous conseille fortement de venir soutenir une marche des fiertés dans un pays de l'Europe de l'Est où la situation est absolument déplorable et une nouvelle vague néo-fascisme ne vient pas arranger les choses. Je vous donnerai le calendrier des gay prides de Pologne, Moldavie et autres charmants pays très bientôt. Si la solidarité LGBTQ internationale vous importe je vous recommande cette expérience au moins une fois dans votre vie de militant(e).

lundi 23 février 2009

Queer Politburo

Rien ne devrait sembler plus bizzare aux queer frenchies qui passent leurs soirées sur des trottoirs parisiens, vivent dans des squats et se font jeter des assos LGBT que ce qui se passe ici à Stockholm.

Je suis une militante queer. Pour moi être militante a longtemps signifié courir partout le Blackberry vissé à l'oreille, serrer des centaines de mains, tenir des stands pendant des heures suant dans mon T-shirt rouge et me retrouver devant des dizaines d'yeux qui voyait une personne queer pour la première fois de leur vie.
Ici c'est mon JOB! Avec tout le package. Le matin je me lève dans ma banlieue blanche et forestière, je chausse mes rangos, lisse ma crète, boutonne ma chemise à carreaux. Je glisse mon PC portable dans mon sac à dos ainsi qu'une pomme, mon agenda et une dosette de lub qui traine par là. Et hop c'est parti environ 1 heure de métro pour rejoindre mon bureau de ma banlieue lointaine. Temps mis à profit pour la lecture de The Ethical Slut. J'arrive au bureau, ici tout le monde est "comme moi". Ma boss a un piercing à la lèvre, la trésorière est butch. Pour régler les pieds de mon bureau il faut les visser, je vous passe les blagues parce que "visser" se dit "screw" en anglais, comme "baiser". Merci à Augustas, mon collègue et coloc pédé d'avoir baisé mon bureau (nan je ne fais toujours rien par moi même).

Je sors mon ordi et le pose au milieu de mon bureau. Je vais me faire un thé dans l'immense cuisine du bureau. Ici il y a deux toilettes dont les murs sont couverts de serviettes bleues. L'une d'elle est accrochée en dessous d'une étiquette "Alice". Je peux prendre une douche ici, et même faire ma lessive pendant que je bosse(très très pratique). Sur le mur derrière le bureau de ma boss il y a l'affiche de la dernière Existrans et une photo de moi à cette manif. Au dessus du bureau de Monika, il y a écrit Male Female Fuck You! Le vendredi soir avant de sortir on boit de la vodka comfortablement installés dans les sofas de la grande salle de conférence. Je me suis souvent demandé ce que c'était "d'aller au bureau". Je n'avais pas idée que cela pouvais être aussi safe.

Mais je vous vois venir. Tout ce comfort, ce pays si tolérant, tout cet argent... Est-ce nécessaire? est-ce que cela ne nous ramollis pas? ne nous coupe pas de la réalité?
SFQ l'asso dans laquelle je bosse est une association nationale d'étudiants LGBTQ. Vous remarquerez que c'est le Q qui apparait dans le sigle. SFQ est une association Queer et féministe et ne perd jamais ses objectifs de vue.
Un pays tolérant c'est quoi en fait? Environ une fois par mois des gens non identifiés déposent des merdes de chien et les étale sur les fenêtres du bureau. C'est juste un bureau, il n'y a pas de rainbow flag à l'extérieur du bâtiment, c'est juste un bureau. Mais des gens mal intentionnés savent ce qui se passe ici. Lorsque je suis passée cet été à Stockholm, le jour de l'Europride, après la marche on était touTEs crevés et on s'est posé dans la salle de conférence du bureau pour se détendre. Deux hommes sont venus nous traiter de sales gouines en suédois par la fenêtre. Le jour même de la Pride! Ce matin ma boss a reçu un texto homophobe et menaçant d'un numéro non identifiable sur son portable professionnel. Il s'en passe d'autres dont je ne suis pas au courant.

Et ça nous mets en colère. A certains ça leur fait peur et la sécurité au bureau est constamment renforcée. Parce qu'il y a eu des vols aussi. Mais on ne sait pas si ces vols ont un rapport avec l'objectif de l'asso. Aucun moyen de le savoir.

Tout n'est pas tout rose en Suède et même dans un pays comme celui ci qui vient d'inscrire la transphobie dans sa législation anti discrimination, et qui va sans doute passer le mariage gay en juin (alors que c'est la droite qui gouverne en ce moment), il y a encore de quoi se battre et de quoi avoir peur.

Et ça me rassure.