lundi 23 février 2009

Queer Politburo

Rien ne devrait sembler plus bizzare aux queer frenchies qui passent leurs soirées sur des trottoirs parisiens, vivent dans des squats et se font jeter des assos LGBT que ce qui se passe ici à Stockholm.

Je suis une militante queer. Pour moi être militante a longtemps signifié courir partout le Blackberry vissé à l'oreille, serrer des centaines de mains, tenir des stands pendant des heures suant dans mon T-shirt rouge et me retrouver devant des dizaines d'yeux qui voyait une personne queer pour la première fois de leur vie.
Ici c'est mon JOB! Avec tout le package. Le matin je me lève dans ma banlieue blanche et forestière, je chausse mes rangos, lisse ma crète, boutonne ma chemise à carreaux. Je glisse mon PC portable dans mon sac à dos ainsi qu'une pomme, mon agenda et une dosette de lub qui traine par là. Et hop c'est parti environ 1 heure de métro pour rejoindre mon bureau de ma banlieue lointaine. Temps mis à profit pour la lecture de The Ethical Slut. J'arrive au bureau, ici tout le monde est "comme moi". Ma boss a un piercing à la lèvre, la trésorière est butch. Pour régler les pieds de mon bureau il faut les visser, je vous passe les blagues parce que "visser" se dit "screw" en anglais, comme "baiser". Merci à Augustas, mon collègue et coloc pédé d'avoir baisé mon bureau (nan je ne fais toujours rien par moi même).

Je sors mon ordi et le pose au milieu de mon bureau. Je vais me faire un thé dans l'immense cuisine du bureau. Ici il y a deux toilettes dont les murs sont couverts de serviettes bleues. L'une d'elle est accrochée en dessous d'une étiquette "Alice". Je peux prendre une douche ici, et même faire ma lessive pendant que je bosse(très très pratique). Sur le mur derrière le bureau de ma boss il y a l'affiche de la dernière Existrans et une photo de moi à cette manif. Au dessus du bureau de Monika, il y a écrit Male Female Fuck You! Le vendredi soir avant de sortir on boit de la vodka comfortablement installés dans les sofas de la grande salle de conférence. Je me suis souvent demandé ce que c'était "d'aller au bureau". Je n'avais pas idée que cela pouvais être aussi safe.

Mais je vous vois venir. Tout ce comfort, ce pays si tolérant, tout cet argent... Est-ce nécessaire? est-ce que cela ne nous ramollis pas? ne nous coupe pas de la réalité?
SFQ l'asso dans laquelle je bosse est une association nationale d'étudiants LGBTQ. Vous remarquerez que c'est le Q qui apparait dans le sigle. SFQ est une association Queer et féministe et ne perd jamais ses objectifs de vue.
Un pays tolérant c'est quoi en fait? Environ une fois par mois des gens non identifiés déposent des merdes de chien et les étale sur les fenêtres du bureau. C'est juste un bureau, il n'y a pas de rainbow flag à l'extérieur du bâtiment, c'est juste un bureau. Mais des gens mal intentionnés savent ce qui se passe ici. Lorsque je suis passée cet été à Stockholm, le jour de l'Europride, après la marche on était touTEs crevés et on s'est posé dans la salle de conférence du bureau pour se détendre. Deux hommes sont venus nous traiter de sales gouines en suédois par la fenêtre. Le jour même de la Pride! Ce matin ma boss a reçu un texto homophobe et menaçant d'un numéro non identifiable sur son portable professionnel. Il s'en passe d'autres dont je ne suis pas au courant.

Et ça nous mets en colère. A certains ça leur fait peur et la sécurité au bureau est constamment renforcée. Parce qu'il y a eu des vols aussi. Mais on ne sait pas si ces vols ont un rapport avec l'objectif de l'asso. Aucun moyen de le savoir.

Tout n'est pas tout rose en Suède et même dans un pays comme celui ci qui vient d'inscrire la transphobie dans sa législation anti discrimination, et qui va sans doute passer le mariage gay en juin (alors que c'est la droite qui gouverne en ce moment), il y a encore de quoi se battre et de quoi avoir peur.

Et ça me rassure.

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