vendredi 10 juillet 2009

Ouverture

Coup de gueule contre l'Agence Nationale Française

J'ai déposé, le premier juin dernier, une demande de subvention pour un projet d'échange de jeunes auprès de l'INJEP, Institut National de la Jeunesse et de l'Education Populaire.
L'INJEP est l'agence nationale du programme Jeunesse en action en France.
Il s'agit d'un projet européen, basé sur un partenariat entre Etudions Gayment, association d'étudiants LGBTQ de Nanterre et SFQ, fédération suédoise des étudiants LGBTQ. Le projet est très clairement militant, très clairement queer et il s'intitule "Hétéronormativité et prévention - Agir localement".

Sans surprise, toutes les agences nationales font de même, le délégué régional Ile de France du programme Jeunesse en Action me demande des "compléments d'information" par rapport au projet.

Première question: "nous nous inquiétons de l'ouverture de votre projet".

Ouverture? Quel curieuse inquiétude! C'est la société qui doit être ouverte, pas nous!

Curieusement ça me rappelle ce que mon père dit toujours à propos de mon engagement militant: "Tu devrais t'ouvrir à d'autres sujets". Il est très inquiet à l'idée que je "m'enferme dans le militantisme homo".

Ca n'en a peut-être pas l'air à première vue, mais ces inquiétudes reflètent une hétéronormativité et une homophobie indéniable. A mon père, je demande si, honnêtement, il me dirait la même chose si je travaillais dans une association pour les droits des personnes handicapées. Mon père n'est pas de mauvaise foi, il me répond honnêtement que non. Cette peur que je "m'enferme", c'est typiquement l'hypothèse d'un "communautarisme homo", cette idée que les personnes LGBTQ ne veulent que rester entre elles, former une communauté à part et se séparer de la société (comme si c'était vraiment possible!). Un fantasme homophobe de plus qui est très courant chez les intellos et politiciens qui n'ont "rien contre notre mode de vie" (pas comme ces crétins de religieux ou ces ignorants des campagnes hein) mais émettent des inquiétudes voire desaprouvent notre désir soi disant "sectaire" de vivre en sécurité et d'être nous-même. Et ceci n'arrive qu'une fois par semaine, ou une fois par an pour la plupart d'entre nous. Mais c'est toujours trop pour ceux qui nous gouvernent. Aucun d'entre eux ne se dit que peut-être le problème vient surtout de la société et de ses normes, pas de nous. Non! Non seulement on se fait tabasser et traiter de façon différente et inférieure tous les jours mais en plus il faut qu'on soit "ouvertEs"! Plus ouvertEs à leurs discriminations, plus ouvertEs à leur ignorance, plus ouvertEs à leurs insultes, plus ouvertEs à leurs coups. Quelle bonne idée.

Ce fantasme du "communautarisme sectaire des homos" est répandu partout dans le monde. Mais je trouve qu'il a une particularité française. La France est une "république une et indivisible". Cela ne veut pas dire que tous les politiciens ont peur du communautarisme, cela signifie que tous les politiciens sont totalement CONTRE les communautés. Contre l'idée même de communauté. En France, à force de vouloir à tout prix éviter le multiculturalisme à l'américaine, on a décidé de nier totalement l'existence des communautés qui forment notre société. On ne prononce même pas le mot, c'est tabou. Sauf pour dénoncer le communatarisme de l'une d'entre elle. Il y a même, je dirais, une totale confusion entre le mot communauté et le mot communautarisme. C'est blanc bonnet et bonnet blanc. Et ça n'est pas seulement un truc de politicien. C'est la culture politique française dominante dans son ensemble qui ferme les yeux par peur de faire comme les AméricainEs. Désespérant.


AgacéE par cette homophobie latente et très française dont fait preuve l'Agence nationale de mon pays (alors que l'Agence nationale suédoise n'aurait jamais demandé ce genre de compléments!), j'ai décidé d'écrire une réponse pédagogue mais ferme.

Que je vous offre le plaisir de lire ci dessous:




En ce qui concerne l’ouverture du sujet, nous aimerions souligner à quel point les questions de genre et d’orientation sexuelle sont transversales. Tout un chacun dans cette société, qu’il le choisisse ou pas, doit se définir une identité de genre et les normes qui accompagne les concepts d’homme et de femme, de masculin et de féminin, sont vecteurs d’oppression pour tous les jeunes, LGBTQ ou non. De plus, tout le monde a une orientation sexuelle, homo, bi ou hétérosexuelle. Les jeunes de tous contextes sont particulièrement en prise à ces questionnements à l’âge où il leur est demandé de devenir des hommes et des femmes, avec tout ce que cela implique en matière de comportements admis ou non, de ce que l’on doit taire, de ce qu’on attend d' eux/elles en matière d’expression, de sexualité, de choix de vie… et de l’inégalité qui s’installe. SFQ et EG sont deux associations féministes et qui s’engage tous les jours à lutter contre l’inégalité homme-femme et les normes du genre. Cette dimension sera présente dans toute la mise en pratique de nos activités. Nous pensons également que la lutte pour la reconnaissance des personnes qui ne se reconnaissent ni homme ni femme doit être visibilisée.

Voyez les différences culturelles, il a aussi fallut que j'explique à l'Agence nationale ce que signifie "queer". En Suède beaucoup de militants s'en sont chargé avant moi. En France nous sommes des pionnierEs!