samedi 10 janvier 2009

J'ai déjà le mal du pays

Quand on y pense c'est une chose bien curieuse de quitter son pays pour aller vivre ailleurs. Bien différente du fait de voyager. Il y a bien longtemps cependant que je sais que ça va arriver. Quand j'étais ado j'ai failli aller étudier en Suisse. A l'époque où j'étudiais pour préparer le concours de Sciences Po et que je commençais, vu mes chances d'y rentrer selon mes professeurs, à m'imaginer en science-piste, je me demandais déjà où j'irais passer ma 3ème année. New York? Londres? Pékin? Alors que je ne faisais rien de ma vie à part bosser à Quick histoire de payer mon loyer et les substances chimiques qui maintenaient ma femme de l'époque en vie, j'ai failli partir étudier à San Francisco aussi. Tout ça pour en venir au fait que je me suis déjà maintes fois imaginé la chose, et je croyais que je m'étais faite à l'idée, que je me faisais une idée de ce que c'était. Je regardais en avant. Je ne pensais pas que je regarderais en arrière à un moment donné.

Et voilà dude, that's it! Je m'en vais, je prépare mon départ. Et je ne regarde pas encore en arrière, je regarde le présent. Je ne vous le cache pas l'attente fut pénible. Du 1er novembre au 16 décembre, (le jour de ma fête d'ailleurs!), j'ai attendu croisant les doigts pour un YES! Le plus dur c'était de commencer à dire au revoir à toutes ces multiples choses qui font ma vie aujourd'hui. Le plus dur aurait été d'avoir un NON alors que je disais déjà au revoir.

Dire au revoir. Voilà qui est une expérience incroyablement agréable ces jours ci. Quelle ironie du sort que je parte maintenant, alors que tout dans ma vie ici me fait l'adorer passionnément. J'aime ma vie en France.

J'aime mes amiEs, j'aime mon père, j'aime mes colocataires, j'aime le fromage et les butchs qui m'embrasse après une tartine de camembert et une lampée de bière. J'aime fumer des roulées assise sur les trottoirs de Paris. J'aime fumer. J'aime manger du foie gras dans un appart de 100 m2 dans le 16ème tout en ayant pas un sou sur mon compte en banque. J'aime mes amants qui me prennent comme je suis. J'aime mes amiEs si uniques. J'aime tous ces gens aimants qui m'entourent. J'aime regarder le Sacré-coeur d'une fenêtre écoutantdistraitement ceux-ci débattant pour savoir si 2009 sera l'année de la teuf ou de la meuf? J'aime fist-fucker une dinde pour la farcir pendant qu'une trannybutch lui tient les pattes écartée. J'aime voyager dans les catacombes dont les alcôves sont propices aux grandes déclarations. J'aime le français, comment il sonne quand je dis je t'aime. Sûrement pour cette raison je recommence à le dire 3 à 7 fois par semaine.

Je me retrouve, moi l'activiste queer qui crie dans la rue avec rage que "son identité n'est pas nationale", à faire, en ce moment, des choses terriblement françaises avec une pointe, un avant gout de nostalgie. Comme manger du fromage, je veux dire toute sortes de fromages, me balader dans Paris et faire des piques niques urbains (pain+fromage+chocolat) devant les monuments que les touristes prennent d'assault. Le foie gras, les frites de Fatima, les croissants à Montpellier. Les huitres en Bretagne, les langoustines. Tout ce qui sonne français sur mon palais y passe avec une saveur en plus, indescriptible d'émotion.

Je suis aussi particulièrement "esprit de famille" en ce moment. Famille choisie à l'honneur bien sûr, avec des fêtes particulièrement inoubliables. Très traditionnelles en un sens (dinde et patates douces à Noël, soirée calme et un peu loose pour le nouvel an) et en même temps terriblement queer (pas de détails mais je mentionnerai bien une sex party dans un sauna avec une célèbre écrivaine américaine et une actrice porno déguisée en sapin de Noël dans le lot).
Mais même ma famille biologique y passe. Bon, pas tout le monde, ok. Surtout avec mon père avec qui je passe pas mal de temps en ce moment. Et c'est extrêmement agréable de me retrouver avec lui. Je l'aime tant. Oui je n'habite plus chez mon père depuis 2 ans maintenant (arf seulement deux ans???) mais ne plus le voir du tout, ça va être quelque chose!

Se préparer à partir c'est quelque chose! Je regarde le présent. Tout ce qui va continuer sans moi. Tout ce qui s'arrête avec moi. Pas grand chose en fait et ça me rassure.

Je crois que ce processus ne va pas s'arrêter. Je crois qu'une fois en Suède je vais commencer à regarder en arrière, me pencher sur cette année qui a changé tant de choses. Sur tout ce qui fait que maintenant je suis à Stockholm. Et ça me fera un bien fou, de regarder en arrière, de loin j'aurais plus de recul, plus d'espace pour penser. Voilà exactement ce que les voyages font, ils élargissent notre espace à penser. Le fait de partir un an ne fait qu'augmenter cet effet. Ce qui faisait dire à Descartes "Les voyages forment la jeunesse". Je pars pour élargir ma pensée, ma vie, mon influence sur ce monde qui doit changer encore, avec moi comme acteur du processus. Et un en sens je pars parce que je veux que tout ce que j'aime dans ma vie d'aujourd'hui soit toujours aussi précieux à mon coeur qu'il l'est à ce jour alors que je lui dis au revoir.

I would like to hug Paris if I could!

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